Le Zapping du PAF vous propose une interview exclusive d’Yves Bigot. Le directeur des antennes de la RTBF est arrivé en avril 2006 au service public. En cette fin de saison, nous avons fait le bilan de celle-ci avec Yves Bigot.
Bonjour, tout d’abord merci de nous accorder une interview afin de faire le bilan de votre première saison complète (2006/2007) ainsi que de parler du futur… Pour commencer, quelle est selon vous le succès de l'année de la RTBF ainsi que le programme qui as le plus déçu ? Le plus grand succès, c'est Melting Pot Cafe, car la fiction est pour nous le genre le plus délicat, pour 2 raisons: nos moyens sont très faibles par rapport aux programmes américains, français, allemands ou même flamands auxquels ils sont compares; le déficit de savoir-faire lie a l'abandon du genre depuis 25 ans, et la difficulté de relancer une industrie entière.
La déception, c'est l'échec d'audience de Quelque chose en nous de Tintin, que j'ai encore du mal a m’expliquer....
On a envie de dire qu’au terme de cette année, le secteur de l’information se porte bien… Avec des JT qui se rapproche de ceux de RTL, un magazine « Questions à la Une » qui se porte très bien en se battant contre des séries comme Prison Break ou encore le récent succès de la RTBF lors de la soirée électorale… J’ai envie de vous demander : Qu’est ce qui a changé en un an ? Le secteur de l’information subira-t-il des modifications à la rentrée ? Ce qui a changé en un an, c’est la mentalité. Maintenant, nous savons que nous pouvons gagner, que nous sommes des challengers crédibles et dangereux, et que nous assumons notre leadership dans notre domaine, le service public. L’image, le moral, c’est essentiel. Nous n’avons plus peur d’être nous-mêmes : d’un côté nous avons légitimé notre nature de service public ; de l’autre, nous ne nous interdisons rien : ni le glamour, ni me succès… Concernant l’information, il s’agit d’un des points forts historiques de la RTBF. Cette année, nous avons lancé des dispositifs ambitieux pour les élections communales comme fédérales ; les Bureaux du pouvoir, une émission unique, qui donne la parole aux politiques pour qu’ils exposent leur vision du monde, de l’avenir, et ne soient pas réduits aux petites phrases ponctuelles ; un rendez-vous de 6 minutes à 18 heures 30 et un 12 minutes désormais calé tous les soirs à 22 heures 3à sur la Deux.
Les modifications éventuelles à venir concerneront les structures internes de la rédaction, ainsi que le look du JT (décor, lumière, réalisation, etc.)
On vous pose la question souvent : Un JT à 19h est-il possible en confrontation avec celui de RTL ? Oui. Mais possible ne signifie pas nécessairement souhaitable. Tout dépendra d’un certain nombre d’évolutions et de configurations qu’il est trop tôt pour évaluer. Ce ne sera pas pour l’immédiat, en tout cas.
Côté fiction, la RTBF a fait fort en s’associant avec TF1 et France 2 pour ses sagas de l’été, ou en diffusant la série 100% belge « Melting Pot Café » qui au final a été un réel succès… La RTBF est repartie de l’avant mais n’a pas encore rattrapé son retard par rapport à RTL au point de vue série évènement… Etes-vous entrain de rattraper les erreurs du passé ? La RTBF envisage-t-elle d’acquérir des séries américaines évènementielles dans le futur ? Le plus gros handicap de la RTBF aujourd’hui, et demain encore, c’est l’indigence de nos catalogues de films et surtout, de séries, au moment où les séries américaines sont à la fois le genre le plus prisé de la télévision, et le nouvel Hollywood en termes de créativité. Les cycles contractuels impliquent qu’il faudra plusieurs années pour refaire notre retard face à RTL (et à TF1) dans ce domaine. Valérie Lardinois, notre nouvelle acheteuse, s’y emploie brillamment à mes côtés, mais ce sera long et nous ne bénéficions pas de budgets comparables à ceux de nos concurrents, ce qui constitue un autre handicap de taille. J’ai bon espoir, mais mesuré…
Quel bilan tirez-vous du passage de nombreuses séries justement évènement qui faisait le succès de la une (ndlr : FBI : Portés Disparus) sur LA DEUX ? L’un de mes objectifs majeurs était de développer la Deux sans handicaper la Une. A la rentrée dernière, une partie de la presse et mes concurrents se sont trop vite réjouis de ce qu’ils pensaient être une erreur. Les chiffres ne sont pas subjectifs, eux : Entre septembre et juin, le total RTBF a progressé de plus de deux points, de 18 à 20 pour cent de part de marché, dans un paysage où toutes les chaînes sont en recul. Je ne pouvais pas espérer trouver à la Deux un véritable public sans produits d’appel autres que le sport, ponctuel par essence : il fallait donc « sacrifier » Plus belle la vie et FBI, nos deux plus beaux fleurons de fiction, pour y parvenir. Les téléspectateurs ont eu un petit temps d’adaptation, puis nous ont suivi. Bilan positif, donc.
Le divertissement est à l’honneur sur LA UNE tous les dimanches soirs… Ces différents rendez-vous vous ont-ils convaincus au point de gagner leur ticket pour la saison prochaine ? Car les audiences ne sont pas extraordinaires… (le dernier Bonny and Clyde de la saison : 161.018 téléspectateurs et 11,8 % de PDM). Ils ont gagné leur deuxième saison, dont je ne sais si elle sera la seconde. Je suis déçu par les audiences, c’est vrai, et l’émission n’a pas encore trouvé sa logique propre. Mais dans des métiers aussi volages et difficiles que les nôtres, il faut savoir garder le cap…et son calme. Le divertissement est le genre le plus difficile ici en Belgique, puisque nous sommes mesurés à ceux de TF1 et de France 2, présentés par des stars qui en reçoivent d’autres, et sont dix fois (arithmétiquement) mieux financés que les nôtres. Ca n’est pas une raison pour que la RTBF renonce à proposer des artistes belges au public belge : c’est même là notre mission et notre fierté.
La remarque vaut pour Quelque chose en nous de…, qui marche beaucoup mieux (Adamo, Rapsat), à l’exception de celui consacré à Tintin.
Au contraire, les divertissements diffusés le mardi soir on cartonné… GPIG a réussi son arrivée mais la grosse surprise de la saison a sûrement été « Y a pas pire conducteur »… qui a repoussé RTL dans ses derniers retranchements, c’est-à-dire à diffuser Les Experts ! Vous attendiez-vous à un tel succès ? On imagine que ces divertissements sont logiquement reconduits la saison prochaine… Bien sûr on retrouvera GpiG et Y a pas pire conducteur en 2008. Concernant le second, j’étais convaincu que la passion des Belges pour la voiture serait payante…
Ne regrettez-vous pas la non présence de jeux quotidiens sur La Une ou La Deux ? Si bien sûr, et c’est avant tout aujourd’hui un problème de coût. Le jeu est un genre essentiel du service public (voir BBC, France 2, RAI, etc.). Nous sommes en développement…
Enfin, en sport, la saison a aussi été réussie avec les belles audiences des classiques cyclistes ou encore le duel en formule 1 qui là aussi booste les audiences… Ici, je voudrais vous poser des questions sur le futur : Diffuserez-vous l’intégralité des JO à Pékin en 2008, tenterez-vous à nouveau l’expérience d’un match de foot en direct le dimanche et avez-vous l’intention de diffuser des sports beaucoup moins médiatisés (judo ou autre). JO de Pékin : pas l’intégralité (trop cher, mauvais horaires), mais les meilleurs moments, et nous suivrons les médaillables belges. Pour le foot, nous allons devoir suivre l’évolution du contrat qui nous lie (ainsi que la VRT) à Belgacom. Enfin, le week-end sportif rend compte du maximum de disciplines et nous essayons de nous faire l’écho du maximum de manifestations quis e déroulent en Belgique (Jumping de Liège, par exemple).
Quelques questions plus personnelles, vous qui avez travailler dans le paysage audiovisuel français et belge. Quelle est la plus grande différence entre ces deux paysages ? Le PAB est sans doute le plus concurrentiel en Europe. Et pourtant, ici, contrairement à la France, la télé n’est pas une question de vie ou de mort.
Qu’est ce qui vous a le plus surpris en arrivant à la RTBF ? Une bonne surprise : la grande créativité des équipes et le talent des personnalités de l’antenne.
Enfin, vous avez bien une information exclusive à révéler à nos lecteurs du Zapping du Paf ! Le prochain album d’Yves Simon s’appelle « Rumeurs »…
Merci beaucoup d’avoir répondus à nos questions… ! Bonne continuation et bonnes vacances…